N°38 - Pourquoi laisser du bois mort dans les rivières ?

Mercredi 24 janvier 2024

Bienvenue sur la trente-huitième édition
des jeudis Natura 2000 Garonne en Occitanie
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Pourquoi laisser du bois mort dans les rivières ?

 

 

Souvent vu comme preuve d’un mauvais entretien et multiplicateur d’inondations, les arbres morts jouent un rôle très important dans la vie des rivières et des boisements rivulaires. Le bois mort est un indicateur du bon état écologique des milieux et joue différents rôles dans la vie des cours d’eau. Cette 38ème édition des « Jeudi Natura 2000 » présentera les intérêts du bois mort dans les écosystèmes de rivière avec des exemples de contrats "arbres sénescents" engagés sur l'Hers vif.

 

Revenons sur la définition de bois mort. Cela regroupe n’importe quel morceau de bois dont aucune des cellules n’est vivante : des branches tombées au sol ou dans l’eau, un arbre mort sur pied ou tombé au sol… On les trouve naturellement dans les zones de forestières, dans les haies ou encore les ripisylves. Leur apparition est naturelle et leur décomposition fait partie du cycle de vie d’une zone forestière.

 

Le rôle du bois mort dans les rivières

 

Le bois mort apparaît au fur et à mesure de la croissance d’un arbre. Il n’est donc pas rare de retrouver des branches, voire des arbres entiers, tombées sur les berges des cours d’eau ou dans le lit des rivières. Leur présence est bénéfique à la faune et la flore présentes dans ces milieux.

Quelques exemples de fonctions écologiques :

 

Dans l’eau :

  • Le bois mort constitue un habitat et une zone d’alimentation pour la faune aquatique (zone de refuge) et crée des conditions favorables pour la reproduction des poissons
  • Les arbres morts et embâcles jouent un rôle important dans la diversification des écoulements, indispensable à la vie aquatique des cours d’eau.

Sur Terre :

  • Sur les berges ou îlots, les arbres à cavités, sénescents, ou morts sur pied sont prisés par les oiseaux et les chauves-souris ; aussi bien pour se cacher, se nourrir ou nicher.
  • Les arbres morts au sol, les embâcles et les tas de bois servent de gites pour la faune comme les amphibiens ou certains mammifères. 
  • Sur les rives, le bois déposé lors d’une crue et les arbres morts tombés, vont se dégrader pour participer à la dynamique biologique des milieux (activité des champignons, bactéries, insectes etc. …) et permettre une meilleure régénération des sols.
  • Les boisements riverains en bon état de conservation avec des bois morts et annexes fluviales fonctionnelles participent à la réduction des effets des crues. On parle alors de frein hydraulique ou d’effet brise-crue.

 

 

 

Bénéfiques pour les animaux, mais aussi pour les insectes saproxylophages

 

Le bois mort va disparaître petit à petit, notamment avec l’action des éléments comme l’eau et le vent, mais surtout grâce à des champignons et des invertébrés qui se sont spécialisés dans la décomposition de bois mort pour se développer. Ce sont les organismes saproxylophages.

Les insectes saproxyliques dépendent du bois mort pour leur cycle de vie : leur habitat et leur nourriture.

 

L’inventaire du site Natura 2000 de la Garonne a permis de recenser plusieurs espèces d’insectes utilisant le bois dans leur cycle de vie :

 

  • Le Grand Capricorne : cet insecte est lié aux vieux chênes, qui peuvent notamment se trouver dans les galeries de ripisylves ; car ses larves se développent uniquement sous l’écorce ou dans les branches de ces vieux arbres. Il est le premier à s’installer dans les vieux arbres ce qui permet l’arrivée de nombreux autres coléoptères saproxyliques.
  • Le Lucane Cerf-volant : un des plus gros insectes que l’on peut rencontrer en France métropolitaine. Son habitat est lié aux vieux arbres feuillus comme les tilleuls, aulnes, frênes, saules et autres, dont la plupart compose les ripisylves des rivières d’Occitanie. Ses larves se développent dans les souches et les racines des arbres morts.
  • La Rosalie des Alpes : coléoptère reconnaissable à ces grandes antennes et son corps bleu avec des tâches noires. Les populations de cet insecte se développe sur les hêtres, frênes ou encore certains saules morts récemment ou fraîchement abattus.

 

 

Pour que la totalité de ces insectes puisse ainsi se développer, il est donc nécessaire de laisser les troncs, souches ou autres sur place pour leur permettre d’effectuer leur cycle de vie complet.

Au-delà de ces espèces, les arbres morts servent aussi de refuges pour des oiseaux ou des chauves-souris qui se nourrissent de ces insectes présents dans leur habitat.

 

Quelles actions de gestions possibles pour préserver ces habitats ?

 

La présence du bois mort est donc bénéfique aux écosystèmes, notamment à ceux des cours d’eau.

Cependant, il faut garantir qu’il n’engendre pas de danger pour les populations et les activités humaines. C’est pourquoi, les syndicats de rivière notamment, ou l’Etat, mettent en place des actions de gestion de ces habitats :

  • Ajustement de la gestion incluant la préservation des ripisylves et bois morts en amont des zones à enjeux et l’adaptation des actions en fonction de la végétation dans les secteurs urbains,
  • Suivi de sites avec des bois morts et des embâcles laissés volontairement pour leurs différents intérêts pour les milieux,
  • Proposition de contrats « arbres sénescents » pour les parcelles se trouvant sur le site N2000 « rivière Hers vif » avec l’accompagnement de l’association MIGADO, la Fédération de Pêche de l’Ariège et de l’ANA-CEN,
  • Cotravail avec Nature en Occitanie sur les milieux à préserver et la création d’Espaces Naturels Sensibles (ENS).

 

 

 

Exemple de deux contrats Natura 2000 favorables aux arbres sénescents

 

Ce type de contrat vise à favoriser le développement de bois sénescents en forêt afin d’améliorer le statut de conservation des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Les habitats forestiers du réseau Natura 2000 français ont un besoin fort d’augmenter le nombre d’arbres ayant dépassé le diamètre d’exploitabilité, (c’est-à-dire, ayant atteint la sénescence, voire dépérissant), ainsi que d’arbres à cavité, présentant un intérêt pour certaines espèces.

La phase de sénescence des forêts est caractérisée par trois étapes : 

  • Étape d’installation des espèces cavicoles (espèces primaires comme les pics, secondaires comme les chouettes, les chiroptères arboricoles),  
  • Puis le processus progressif de recyclage du bois mort par des organismes saproxyliques (insectes et champignons spécialisés)
  • Et au final, par les décomposeurs (détritivores incorporant au sol les particules ligneuses décomposées dans un processus d’humification).

 

Dans ce cadre, deux propriétaires privés voisins et riverains de l’Hers vif, dans sa partie concernée par le lit majeur, ont engagé entre 2019 et 2020 : 

  • 69 arbres sur 2 parcelles (5 Ha) pour l’un ; 
  • 99 arbres localisés sur 6 parcelles (7,5 Ha) pour l‘autre. 

Sur l’ensemble de ces parcelles, il a été mis en place un dispositif favorisant le bois sénescent sous forme d’arbres disséminés

 

Le travail d’identification des arbres éligibles, leur géo-localisation et le marquage ont été réalisés sur le terrain par le CRPF accompagné de l’association MIGADO. Ce marquage a été fait à la peinture blanche et a également été apposé des petites plaquettes en plastique sur le tronc des arbres. 

Les arbres concernés par le contrat sont des chênes et autres feuillus comme des peupliers noirs et des saules blancs et leur diamètre de tronc s’échelonne entre 50cm jusqu’à 1,50m. Selon le détail des barèmes en vigueur, une aide a été attribuée à chaque propriétaire en fonction de l’essence et de du diamètre de l’arbre.

 

L’engagement de ces propriétaires est fort car il va au-delà d’un contrat Natura 2000 classique qui s’échelonne habituellement sur 5 ans. Dans le cas de ce type de contrat, les arbres identifiés sont engagés pour 30 ans et doivent rester sur place debout ou au sol

D'autres  projets de contrats sont envisagés sur les berges de l’Ariège et également de l’Hers.

 

© MIGADO

Pour aller plus loin :

 

Notre site ressources documentaires lagaronne.com
Le site du SAGE Garonne sage-garonne.fr
Syndicat Mixte d'Études & d'Aménagement de la Garonne
61 rue Pierre Cazeneuve 31200 TOULOUSE
smeag@smeag.fr
Tél. 05 62 72 76 00